III-B. Les hauteurs

Graphiquement, les hauteurs se matérialisent sur un espace appelé « portée ». Concrètement, seules deux lignes sont absolument nécessaires (qu’elles soient sous-jacentes ou tracées) pour marquer une différenciation des sons et établir une échelle sonore. Elles sont ici au nombre de quatre.

Dans cet espace sonore, la clef détermine une hauteur spécifique de référence. Deux types de clefs sont utilisées dans ce manuscrit : la clef de Loupe pour voir un exemple fa et Loupe pour voir un exemple la clef d’ut (ou do). Les lignes sur lesquelles elles sont situées déterminent les notes correspondantes. Placées généralement en début de portées, elles peuvent varier au cours d’une pièce selon les impératifs mélodiques.

Autour de ces points de repères s’organise une échelle mélodique. Dans la théorie musicale moderne, elle s’articule de la manière suivante : do ou ut 5, , mi, fa, sol, la et si. Cette échelle aussi appelée « gamme » établit un enchaînement spécifique de notes séparées par des intervalles qui ne sont pas égaux entre eux.

Parfois, un accident peut survenir et altérer une des ces notes. Indiquées par un bémol, ces modifications concernent uniquement le si dans cette source. L’effet en est de l’abaisser pour obtenir un demi-ton d’intervalle avec le la.

Exemple : Offertoire, Gloria et honore.

Le bémol est indiqué au début du 3e neume.

Le bémol est indiqué au début du 3e neume.

Cependant, si la théorie moderne permet d’aborder la musique contenue dans ce manuscrit, sa compréhension passe nécessairement par un éclairage théorique contemporain de la source : la solmisation. Il convient de savoir qu’au XIIe siècle, la gamme complète n’existe pas d’un point de vue pratique. Elle se compose de l’hexacorde suivant, issu des premières notes de chaque phrase de l’hymne pour les vêpres de Saint Jean Baptiste et constitué sur les différents degrés de la gamme : Ut, , mi, fa, sol et la.

Exemple : Hymne à saint Jean Baptiste.

Ces six notes aussi appelées « hexacorde » constituent l’origine de la gamme moderne. Elles seules étaient prononcées pour lire la musique. Il est essentiel de comprendre que la note si est absente de telle manière que l’unique demi-ton se trouve donc situé entre mi et fa. Tout demi-ton rencontré hors de ce contexte sera ainsi solfié mi-fa par simple transposition de l’unique demi-ton.

D’un point de vue intellectuel, la gamme complète existe. Appelé Gamut, les notes y sont symbolisées par des lettres. A l’inverse de l’hexacorde, si est présent. Une distinction est même faite entre le « b rond » et le « b carré », autrement dit entre le si bémol et le si naturel. Les intervalles les séparant correspondent à la théorie moderne citée plus haut.

Le Gamut

Si les notes si subsistent sur un plan intellectuel, leurs dénominations n’apparaissent pas dans l’hexacorde. Comment chanter une note dont le nom n’existe pas ?

Il convient de dissocier ces deux échelles. L’hexacorde fait intervenir un enchaînement d’intervalles spécifiques alors que le Gamut correspond à des hauteurs absolues sur un plan théorique. En combinant ces deux aspects, il est alors possible de superposer l’hexacorde au Gamut de trois manières différentes, selon la place du demi-ton et la prise en considération ou pas des « b carré ou rond ».

Combinaison des hexacordes sur le Gamut

Ainsi, à une hauteur absolue et théorique correspondent plusieurs dénominations chantables.

L’hexacorde sert donc à « naviguer » dans le Gamut. Au sein d’une même œuvre, il est nécessaire de changer d’hexacorde selon les impératifs mélodiques et la place du demi-ton qui doit toujours être solmisé mi-fa. Appelée muance, cette opération est néanmoins impossible pour passer de l’hexacorde par « b rond » à celui par « b carré » (ou inversement) sans passer par l’hexacorde par nature.

Si la mélodie dépasse l’hexacorde d’une seule note pour chanter un « b rond », il n’est pas nécessaire de muer. On solmisera alors la note fa. Cette note hors hexacorde est aussi appelée : fa super hexacordum.

Le verset Bonum est confiteri est issu de l’offertoire Justus ut palma pour la deuxième messe dédiée à saint Jean. La solmisation en est intéressante, car elle fait intervenir le fa super hexacordum et des muances.

Exemple : Offertoire, Justus ut palma, Verset : Bonum est confiteri.

Partie dynamique Partie dynamique

Notes

5L’appellation «  Ut  »  existe encore de nos jours mais elle est rarement employée.

6Il n’existe de caractère correspondant dans le logiciel. NOTE A REVOIR