Commentaires  

Problématique

Cette pièce présente d’importantes variations mélodiques qui empêchent l’attribution du mode.

Lecture

Comparé à une version grégorienne, l’incipit est transposé à la quinte inférieure.

incipit, pacem meam - Bellelay feuillet 236 incipit, pacem meam - Bellelay feuillet 236
Incipit, Graduel de Bellelay

incipit, Pacem meam H159 f° 37r
Incipit, Tonaire de Saint-Bénigne de Dijon (Montpellier, Faculté de Médecine H 159, f° 37r)

Cette transposition n’est pas stricte. Le bémol écrit dans le Tonaire de Saint-Bénigne de Dijon sur le mot -alleluia ne trouve pas son équivalent dans le Graduel de Bellelay. L’échelle mélodique l’interdit car il faudrait un mi bémol. La solmisation est néanmoins identique jusqu’à ce point. Le Graduel se lit selon l’hexacorde par nature et le Tonaire dans l’hexacorde par « b carré » puis par nature :

Graduel de Bellelay, solmisation :

Pacem me - am do vo-bis alle - lu - ia

fa fa fa mi re fa fa mi re re ut re mi re re ut

Tonaire de Saint-Bénigne de Dijon, solmisation :

Pacem me - am do vo - bis alle lu - ia

fa fa fa mi re fa fa mi re re ut la fa* (super la hexacordum) la fa

Le passage suivant sur -pacem relinquo n’a plus véritablement de rapports avec la mélodie grégorienne. Sans être une totale recomposition, les intervalles ne sont plus les mêmes.

pacem relinquo - bellelay feuillet 236
-pacem relinquo
, Graduel de Bellelay

pacem reliquam - H159 f°37r
-pacem relinquo
, Tonaire de Saint-Bénigne de Dijon

La formule finale est de nouveau une transposition de la version grégorienne. Celle-ci ne s’effectue plus à la quinte mais au ton supérieur.

cadence finale, pacem meam Bellelay Feuillet 236 cadnce finale, pacem meam, Bellelay feuillet 236
Cadence finale, Graduel de Bellelay

cadence finale, pacem meam H159 f°37r
Cadence finale, Tonaire de Saint-Bénigne de Dijon

C’est une transposition stricte et les deux fragments sont solmisés de la même manière : le Graduel de Bellelay selon l’hexacorde par « b carré » et le Tonaire de Saint-Bénigne de Dijon selon l’hexacorde par « b rond ».

Graduel de Bellelay, solmisation :

al -le -lu - ia al le - lu - ia

la fa* la la sol la fa fa re ut re mi mi re re ut re ut

Tonaire de Saint-Bénigne de Dijon, solmisation :

al le lu ia al le - lu - ia

Fa la sol la sol la mi fa mi re ut re mi mi re ut re re ut

Commentaire

La mélodie prémontrée est étrange et complètement originale. Ecrite en clef de fa quatrième ligne, elle utilise un ambitus particulièrement grave et inhabituel. Elle partage pourtant le même dessin neumatique que la version du Tonaire de Saint-Bénigne de Dijon. Si les enchaînements d’intervalles sont globalement différents, les mouvements mélodiques sont similaires. Ces deux versions sont donc apparentées.

Les transpositions dont témoigne la version de Bellelay semblent avoir pour nécessité d’apporter une solution plus claire sur la place du demi-ton et d’éviter toute hésitation concernant la bémolisation telle qu’on le comprend dans la version grégorienne. C’est très perceptible sur la manière dont le premier –alleluia est chanté à Bellelay : il ne peut y avoir l’alternance bécarre/bémol exprimée ailleurs. Le remodelage suivant sur – pacem relinquo s’explique de la même manière : donner une cohérence et une fermeté dans la direction mélodique en évitant toute altération possible.

D’un point de vue strictement théorique, la composition du Graduel de Bellelay manque d’une certaine cohésion pour pouvoir lui attribuer un mode. La formule finale tendrait à indiquer le mode de sol mais la corde de récitation n’est pas assez affirmée pour déterminer s’il est authente ou plagal. Si l’on juge l’ensemble de la composition à part la cadence finale, la communion est en mode de fa authente transposé à la quinte grave sur C.

Jocelyn Chalicarne