La mélodie proposée par le Graduel de Bellelay est transposée.
Il existe plusieurs versions grégoriennes de la communion Ego clamavi.
Une d’entre-elles apparaît dans le Graduel de Saint-Yrieix (Paris, Bibliothèque nationale de France, lat. 903 f° 120v). Elle a seulement l’incipit en commun avec le Graduel de Bellelay.
Incipit, Graduel de Bellelay
Incipit, Graduel de Saint-Yrieix
A partir de -exaudisti jusqu’à la fin, la mélodie prémontrée est transposée un ton au-dessus.
-deus inclina…verba mea, Graduel de Bellelay
-quoniam… verba mea, Graduel de Saint-Yrieix
Une autre version est donnée dans le Tonaire de Saint-Bénigne de Dijon (Montpellier, Faculté de Médecine H 159, f° 41r-v). Comparée à celle-ci, la mélodie de Bellelay est strictement écrite à la quinte inférieure. Il s’agit de la même pièce interprétée différemment sur le plan des hauteurs.
Incipit, Tonaire de Saint-Bénigne de Dijon
-quoniam… aurem, Tonaire de Saint-Bénigne de Dijon
La solmisation est globalement identique entre les trois versions pour des interprétations hexacordales différentes :
le Graduel de Bellelay se lit successivement dans les hexacordes par nature, « b rond » et par nature
le Tonaire de Saint-Bénigne se lit d’abord dans l’hexacorde par « b carré » puis par nature et de nouveau par « b carré ».
le Graduel de Saint-Yrieix se lit dans les hexacordes par nature, « b carré » et de nouveau par nature.
Seules les cadences finales présentent une variation importante de lecture. Si les deux premières versions se solmisent « fa fa sol fa fa », la troisième se lit « sol sol la sol sol ». Cette différence est due même à la nature des hexacordes dans lesquelles les mélodies sont écrites. Les versions des Graduels de Bellelay et de Saint-Yrieix étant inscrites dans l’hexacorde par nature à un ton d’intervalle, elles ne peuvent avoir une solmisation similaire.
Malgré des résultats sonores différents selon les trois versions, le mouvement neumatique est semblable.
Comparée au Tonaire de Saint-Bénigne de Dijon, la version du Graduel de Bellelay enchaîne les mêmes successions d’intervalles mais transposés à la quinte. Les versions des Graduels de Bellelay et de Saint-Yrieix présentent aussi le même dessin neumatique malgré le décalage d’un ton après l’incipit. L’identité de la pièce n’est donc pas altérée si l’on considère le mouvement et l’écriture des neumes.
Cependant, le décalage de hauteurs a des répercussions sur le classement modal des pièces. La cadence finale en sol propre au graduel de Saint-Yrieix suggère un classement en huitième mode. La cadence finale en fa des deux autres versions indique le sixième mode, transposé sur C dans le cas du Tonaire de Saint-Bénigne de Dijon.
Chalicarne Jocelyn