La version proposée par le Graduel de Bellelay est transposée, mais sa transposition n’est pas rigoureuse.
La pièce est majoritairement transposée à la quinte par rapport à la version du Graduel Romain.
Incipit grégorien
Incipit (Bellelay)
Toutefois, on trouve également dans Bellelay un passage transposé à la quarte de minimis à venite (voir Description).
La mélodie entendue, telle qu’elle apparaît dans le manuscrit de Bellelay avec ces deux transpositions, est inédite. Cette originalité disparaît pourtant sous l’éclairage théorique. Selon les versions (du Graduel Romain ou de Bellelay), l’interprétation hexacordale est différente :
Amen dico vobis quod uni
GR : hexacorde par nature
Bellelay : hexacorde par b carré
ex minimis… fecistis
GR : hexacorde par b rond puis par nature
Bellelay : hexacorde par b carré puis par b rond
venite … saeculi
GR : hexacorde par b rond puis par nature
Bellelay : hexacorde par nature puis par b rond.
Malgré ces différences d’hexacorde, la solmisation offre un résultat globalement identique. Solfier les deux versions selon les outils médiévaux aboutit au même résultat malgré un résultat sonore différent.
Pour conserver l’échelle mélodique inhérente au troisième mode (la présence d’un demi-ton entre le premier et le deuxième degré), il est nécessaire de considérer que le bémol écrit sur meis fecisti est valable pour toute la fin de la pièce, notamment sur la formule finale.
La communion Amen dico vobis quod uni telle qu’elle est écrite dans le Graduel de Bellelay est complètement originale. Il est difficile de savoir si les transpositions à la quinte, à la quarte puis de nouveau à la quinte, résultent d’une réelle intention musicale ou d’une interprétation spontanée par le notateur d’une leçon mélodique équivalente en terme de solmisation. Cette équivalence laisse penser qu’il s’agit d’une confusion dans la transposition et qu’un décrochement de la quinte à la quarte a été involontairement effectué. Dans cette perspective, le notateur ne prescrit pas ce qu’il entend ; il renvoie simplement à un dessin global communément admis et mémorisé, dessin dans lequel la transposition à la quarte peut ne pas avoir d’existence réelle. Cette hypothèse, vérifiable à maintes reprises dans le manuscrit, paraît cohérente mais rien ne permet de l’affirmer avec certitude.
Par ailleurs, on remarquera que la transposition de la quinte à la quarte puis son retour à la quinte donne lieu à des aménagements intervalliques respectant le dessin neumatique communément admis pour ces passages.
Jocelyn Chalicarne