Commentaires  

Premier verset :

Problématique

Le verset ne diffère pas de la leçon grégorienne excepté sur les mots in voce exsultationis où la mélodie est transposée au degré inférieur.

Lecture

Le décalage d’un ton implique nécessairement une solmisation différente. La transposition change les relations d’intervalles par rapport à la version grégorienne. Pour conserver un dessin mélodique semblable, le notateur modifie la mélodie comme le montre l’intervalle de quinte diminuée (E-« b rond »), proscrit par la théorie musicale médiévale.

Commentaire

Les fragments grégorien et prémontré se lisent chacun dans les hexacordes par nature et par bémol, mais dans le Graduel de Bellelay les changements d’hexacordes ne sont pas aux mêmes endroits et font intervenir davantage de muances. La version du Graduel de Bellelay ne propose donc pas une transposition stricte mais, dans ce cas, une réécriture des hauteurs sans altérer le dessin mélodique original.

Dans cette optique, la mention du bémol est indispensable car elle maintient la place du demi-ton au début de ce passage. En revanche, la fin du mélisme sur -ce de -voce est encore abaissée d’un degré : le demi-ton n’étant plus placé au même endroit, la nature de ce passage s’en trouve modifiée.

Par la suite, l’enchaînement reste problématique : ou le si est bémol et l’intervalle si-fa juste mais la quinte initiale est diminuée, ou le si est bécarre, la quinte si-mi juste mais avec un triton si-fa.
In voce-Greg

In voce Greg (GT)

In voce-Bellelay

In voce Bellelay

Sur ce même passage, le Tonaire de Saint-Bénigne de Dijon (Montpellier H 159) propose une version intermédiaire. Comme dans Bellelay, le fragment est transposé un degré en-dessous excepté sur –ce où un fa supplante le mi évitant les problèmes intervalliques avec le si.

In voce-H 159

In voce H 159

Deuxième verset :

Problématique

La première partie de ce verset est transposée à la quinte supérieure jusqu’au mot terribilis où, après une variation ornementale, la mélodie reprend le ton grégorien à l’exception de la cadence finale.

Lecture

La version grégorienne se lit dans l’hexacorde par nature et celle de Bellelay dans celui par « b carré ». La lecture de ces deux leçons montre un résultat presque identique pour une interprétation d’hexacorde différente.

Quoniam - Greg (GT)

Début du verset 2 - Greg (GT)
Quoniam - Bellelay
Deuxième verset - Bellelay

Le rétablissement du ton intervient après une variation ornementale sur la syllabe –lis de –terribilis, matérialisé par un changement de clef lors du saut de ligne. D’une clef d’ut troisième ligne, le copiste est passé à une clef d’ut quatrième ligne. Un grattage montre que cette modification a fait l’objet d’une correction. Si elle n’avait pas été effectuée, l’enchaînement de la mélodie aurait abouti à un triton.

Le Tonaire de Saint-Bénigne de Dijon (Montpellier, Faculté de Médecine H 159, f° 105v) donne un témoignage édifiant du verset Quoniam Dominus proposé dans deux versions mélodiques différentes. Elles sont consignées par le biais de deux versions en notation alphabétique plus une en neumes. La première correspond au témoignage de Bellelay ; la seconde est construite sur D et se rattache à la version grégorienne.
La première version, construite sur A, est globalement la transposition de la seconde jusqu’aux mots Rex magnus où les deux versions se rejoignent sur le plan des hauteurs. Les deux versions mélismatiques sur terribilis (la première égale à Bellelay, la seconde avec un mélisme tronqué comme dans la version grégorienne) sont présentes.

Les deux versions en notation alphabétique montrent comment un même mouvement mélodique neumatique peut s’inscrire dans deux espaces différents de hauteurs, la version du Graduel de Bellelay proposant une des deux alternatives consignées dans le Tonaire de Saint-Bénigne de Dijon.

Verset 2 - H 159

Verset 2 - H 159

Troisième verset :

Problématique

Le troisième verset est une transposition partielle à la quinte de la version grégorienne et, en gardant le contour neumatique de la mélodie, la traduit parfois dans des intervalles différents. Comme pour le deuxième verset, la cadence est rehaussée d’un degré.

Descriptif

Le témoignage de Bellelay commence à la quinte supérieure par rapport à la version grégorienne qu’elle rejoint sur et gentens. Pour un résultat de lecture équivalent sur le plan de la solmisation, chacune des mélodies est différente sur le plan hexacordal. Il s’agit de deux interprétations d’une même mélodie par différents hexacordes. La version grégorienne s’établit dans l’hexacorde par nature et celle de Bellelay dans celui par « b carré ».

verset 3-Greg (GT)
Verset 3 - Greg (GT)
verset 3 - Bellelay
Verset 3 - Bellelay

On remarquera sur le mélisme de –nobis comment le dessin neumatique peut être préservé tout étant interprété différemment sur le plan des intervalles.

Comme pour le deuxième verset, le Tonaire de Saint-Bénigne de Dijon consigne le verset Subjecit dans trois versions : une double notation alphabétique et une neumatique. La mélodie de Bellelay montre une transposition plus aléatoire ici : elle commence selon la première mélodie notée alphabétiquement et elle s’achève, à l’exception de la cadence finale, en suivant la seconde à partir de sub pedibus.

Verset 3 - H 159

Verset 3 - H 159

Dans le Graduel d'Andenne (Andenne 1), le verset est également transposé mais à la quarte supérieure sur si bémol.

Verset 3 Graduel d’Andenne (Andenne 1)
Verset 3 - Graduel d'Andenne 1

La transposition du troisième verset est donc plus fluctuante que celle observée pour le deuxième verset.

Jocelyn Chalicarne