Karl Schlager indique dans son catalogue thématique que l’alleluia Omnis terra est construit sur le timbre de l’alleluia Amavit eum (ThK 174). Tel est le cas en effet si l’on lit la version donnée par le Graduel de Saint-Yrieix, Paris Bnf lat. 903, f° 18.
La leçon donnée par le Graduel de Bellelay ne correspond pas à cet état : elle n’est pas construite sous le timbre de l’alleluia Amavit eum. En revanche, la tradition mélodique dont témoigne le Graduel de Bellelay est la même que celle qui existe dans le Graduel d’Andenne (Andenne 1, f°136v) ou dans le Graduel prémontré de Saint-Etienne d’Arne, Paris BnF lat. 833, f°146v.
A la première lecture, la leçon donnée par le Graduel de Bellelay peut être comprise en mode de ré sur la comme le montre, par exemple, la cadence du répons :
cadence du répons, Bellelay f. 248
Cependant, le répons reprend un timbre connu et déjà exploité dans d’autres pièces où il est parfois écrit avec un si bémol. La pièce alors s’entend en mode de mi transposé sur la. C’est le cas dans l’alleluia Paratum cor meum si l’on compare les deux répons entre eux.
répons de l’all. Omnis terra, Bellelay f. 248
répons de l’all. Paratum, Bellelay f. 263
Cette intonation caractéristique est aussi présente dans la communion Beatus servus sans bémol noté
incipit de la communion Beatus servus, Bellelay f. 274
ou encore dans l’introït Miserere mihi…conculcavit, sans bémol noté au départ
incipit de l’introït Miserere mihi… conculcavit, Bellelay f. 142
Il parait donc peu probable que l’alleluia Omnis terra soit en en mode de ré. La parenté thématique de ces incipits plaident pour une même famille modale, en mode de mi. Le Graduel d’Andenne (Andenne 1) a d’ailleurs pour cet alleluia un bémol noté sur la fin du jubilus sur le mouvement descendant fa-do-si, ce qui ne laisse aucun doute sur le mode. Le verset est également identique à l’exception de la cadence qui est tronquée dans le Graduel de Bellelay en proposant, de fait, une pseudo terminaison en la plus proche d’un mode de ré que de mi.
En dépit de toutes ces ambiguïtés, l’alleluia Omnis terra doit être compris en mode de mi sur la.
Olivier Cullin