Sondage V

 

Implantation

Le sondage V a été implanté à quelque 10 m au nord-ouest de l'actuel cimetière municipal de Thérouanne, de manière à  recouper le tracé d’une rue de direction sud-est / nord-ouest, bien visible sur les photographies aériennes prises en 1976 et indiquée sur le plan de 1560 sous le nom de rue du Loquin.

 

 

 La rue du Loquin (détail du plan de 1560)

 

Cette rue, selon les sources écrites (AN, Q1 903-904) partait des environs de l'église Saint-Nicolas, dont elle longeait le cimetière, avant de s'infléchir légèrement vers le nord-ouest pour aller se greffer sur la rue de Saint-Omer. Les photographies aériennes montrent en effet, au sud, un premier tronçon parallèle à la Grand Rue, à laquelle le rattachent deux rues transversales, dont l'une est la rue Saint-Nicolas. C'est peu après le changement de direction de la rue, qui s'observe sur les clichés à l'extrémité occidentale de l'actuel cimetière municipal, qu'a été implanté le sondage V. La parcelle fouillée, qui formait à l’origine un carré de 4 m de côté, a été progressivement agrandie jusqu’à atteindre une longueur de 6,50 m dans la direction est / ouest, pour une largeur de 5,40 m du nord au sud.

 

Emplacement de la rue V du sondage V

 

Données stratigraphiques

La terre arable recouvrait une couche de terre meuble associée à des débris de maçonnerie : il s’agissait d’un niveau postérieur à la destruction de la ville qui était directement superposé, au sud-ouest, à un lit de silex soigneusement juxtaposés et liés de terre argileuse, présentant par ailleurs une surface très résistante (M 510). Au centre et à l’est du sondage s’étendait une couche de démolition essentiellement composée de tuiles et de briques concassées et brûlées, mêlées à du mortier. Elle se superposait à une seconde épaisseur de destruction uniquement constituée de matériaux brûlés, dont de gros blocs de torchis durcis, pris dans de la terre rubéfiée, qui provenaient de l'effondrement des maisons riveraines.

Au-dessous fut mise au jour une couche horizontale de sable jaune très homogène (US 506), qui ne contenait aucun matériel, en dehors de quelques galets, et semblait avoir été épandue pour y asseoir un pavement et favoriser le drainage des eaux : quelques moellons de silex équarris subsistaient en effet par endroits à la surface, vestiges d’une chaussée en grande partie récupérée.

 

Pavés sur le sable jaune de l’US 506 rubéfié par un incendie ; vue depuis le sud-est

 

Ce pavement, le dernier avant l’abandon de la ville, avait recouvert une chaussée plus ancienne, de nature très différente : elle consistait en un radier très dur et caillouteux (US 507), qui suivait la pente générale d’écoulement des eaux de direction nord-ouest / sud-est. Le sommet du radier était constitué de silex de dimensions réduites, souvent brisés, dont la taille augmentait dans la partie inférieure.

 

Section nord du sondage V présentant la superposition du terreau (brun), de la couche de torchis brûlé et de briques concassées (rouge), du sable (jaune) et du radier 507 (blanc)

 

Une troisième chaussée de craie concassée et de pierres (US 514), reproduction tardive du rudus antique tel qu'il a été défini par Honoré Bernard (Bernard 1986b), s’étendait encore au-dessous. À son sommet apparaissaient nettement deux ornières parallèles, distantes d’environ un mètre, qui couraient de part et d’autre de l’axe central de la rue, orientée à 137 degrés ouest par rapport au nord magnétique. À l’ouest, le large socle de silex 510 pouvait donc être interprété comme une sorte de trottoir bordé, du côté de la rue, par une couche de terre meuble englobant du mortier et des débris de destruction avec quelques traces de brûlé, qui remplissait une sorte de rigole pouvant correspondre à un petit canal d'écoulement des eaux.

 

     

Les ornières de la rue 514 vues depuis le sud-est

 

La rue

La rue, espace public intensément fréquenté, doit être régulièrement restaurée ou refaite. Celle qui a été mise au jour dans le sondage V ne fait pas exception à la règle. Les trois chaussées qui s’y succèdent présentent chacune une technique de construction soignée. La plus ancienne, où se sont imprimées les ornières creusées par les charrois, reproduit un modèle local traditionnel, celui de la craie mêlée de pierres qui se durcit sous l’effet de l’eau (le rudus) ; des silex, dont le module est savamment distribué dans toute l’épaisseur, la renforcent. Les derniers travaux, qui utilisent pour la première fois un véritable pavement de silex, illustrent bien l'épanouissement urbain que connut Thérouanne dans la seconde moitié du XVe siècle et au début du XVIe siècle, phénomène qui apparaissait déjà nettement dans les maisons II et III, ce qui marque un net décalage par rapport à la capitale (dont Philippe Auguste avait ordonné de paver les rues dès la fin du XIIe siècle) et pourrait indiquer une reprise économique tardive dans le courant du Moyen Âge.